Ma question s’adresse aux fidèles partisans du Canadien qui ont payé des centaines de dollars pour assister en personne au massacre de 9-2 de jeudi soir. Ou à la débâcle de 8-2 contre le Kraken de Seattle, en octobre. Ou à la récente déroute de 7-2 contre les Rangers de New York. Ou à l’humiliante dégelée de 6-2 contre les Golden Knights de Vegas, le mois dernier. Pire, aux quatre rossées, si vous êtes abonnés.
Publié à 7 h 45
Pis, la reconstruction, est-ce encore le fun ?
Je vous pose la question, car parmi les amateurs de salon, il y en a une méchante gang qui continue de faire le party comme si nous étions encore en 2022. Souvenez-vous de cet étrange hiver. Le Tricolore en perdait neuf de suite ? Hourra ! Dix de suite ? Bravissimo ! Le club terminait dernier au classement ? On fait la vague. Chaque but alloué rapprochait Montréal du but ultime : gagner la loterie du repêchage.
S’en est suivie une série de transactions, toutes plus formidables les unes que les autres. Sean Monahan ? Un vol. Michael Matheson ? Un vol. Justin Barron ? Un vol. Kirby Dach ? Un vol. Alex Newhook ? Un vol. Denis Gurianov ? Un vol. Ty Smilanic ? OK, peut-être pas Ty Smilanic. Mais vous pouvez ajouter à cette liste de larcins une dizaine de choix au repêchage, d’Owen Beck à Bogdan Konyushkov.
Bien sûr, le Canadien a réussi de bons coups. Matheson en fait partie. La sélection de Lane Hutson au deuxième tour, c’est du génie. Ivan Demidov m’enthousiasme tout autant. Sauf que si le club avait vraiment réalisé une quinzaine de vols, ne devrait-il pas faire l’envie de tous ? Du moins, être en forte progression depuis trois ans ?
Parce que ce n’est pas le cas. Le Canadien est dernier dans l’Association de l’Est. Il n’a battu que 2 des 15 meilleures équipes de la ligue. Seuls les Penguins de Pittsburgh donnent plus de buts par match. Aussi, plusieurs joueurs au cœur de la relance sont en panne sèche :
- Juraj Slafkovsky n’a qu’un but à ses 22 derniers matchs ;
- Alex Newhook, qui joue dans le top 6 et en supériorité numérique, n’a aucune mention d’aide ;
- Kirby Dach est complètement perdu ;
- Justin Barron, acquis comme défenseur offensif, n’a qu’un point ;
- Logan Mailloux et Joshua Roy n’ont convaincu personne lors de leurs courtes auditions ;
- Cayden Primeau est le pire gardien de la LNH.
« Nous ne connaissons certainement pas le début de saison espéré », a convenu le vice-président aux opérations hockey du club, Jeff Gorton, dans une entrevue à Amazon Prime la semaine dernière. Car non, tous ces insuccès ne font pas partie d’un plan quelconque pour s’assurer que le Canadien reste dans le sous-sol du classement. Personne, dans l’organisation, ne peut être satisfait de voir Slafkovsky, Dach ou Barron en arracher autant.
D’ailleurs, quel est le problème ? L’évaluation ? Le développement ? La gestion de l’effectif ? Les trois ? Y a-t-il même un problème ? Ce serait pertinent de connaître l’avis de la direction à ce sujet. Malgré toutes ces défaites gênantes à domicile, ni Jeff Gorton ni Kent Hughes n’a encore fait de conférence de presse depuis le match d’ouverture.
PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE
L’entraîneur-chef du Canadien Martin St-Louis
Crédit à l’entraîneur-chef Martin St-Louis, qui ne se défile pas, même quand sa formation s’effondre et donne six, sept, huit ou neuf buts. Il a bien tenté de brasser la soupe, jeudi, en modifiant les trios, puis en donnant quelques minutes en relève à Cayden Primeau, cloué au banc depuis cinq matchs. En vain. La situation n’a qu’empiré. C’est à se demander s’il existe encore des solutions à l’interne pour progresser à court terme, ou si le CH est condamné à attendre ses renforts issus du repêchage, avec tous les risques associés à un club qui accueille plusieurs jeunes en même temps.
Jusqu’ici, les partisans du Canadien se sont montrés d’une patience exemplaire. Maintenant, pendant combien d’années toléreront-ils autant de massacres à domicile ?
Je constate que le fossé s’élargit entre ceux qui payent leurs billets et ceux qui procèdent à des simulations du boulier à la maison. Les premiers expriment leur frustration de plus en plus fort. Ça s’entendait jeudi, les huées et les applaudissements sarcastiques résonnaient dans le Centre Bell. Les seconds perçoivent cette expérience de reconstruction comme un grand jeu, dont le club sortira gagnant à un moment indéfini qui importe peu. Entre les deux, on retrouve aussi une large base de partisans de plus en plus désintéressés, surtout lors des séries de défaites.
Une reconstruction est un luxe. La plupart des marchés ne peuvent pas se permettre de longs travaux. Leurs partisans les quitteraient avant la fin du chantier. D’ailleurs, ça m’étonne toujours lorsque des observateurs blâment les Sabres de Buffalo et les Sénateurs d’Ottawa d’avoir voulu accélérer leurs projets. Avez-vous jeté un œil aux assistances ? Leurs arénas se vidaient !
Le Canadien excelle pour convaincre ses partisans de rester patients. Jusqu’ici, ça rapporte. Le Centre Bell reste plein. Le club mène la ligue pour les ventes de billets. Mais si le CH continue d’encaisser à répétition des gifles de 6-2, 7-2, 8-2 et 9-2 chez lui, il existe un risque réel que parmi les partisans les plus payants, ceux qui achètent des billets, la patience s’effrite.
Et que leurs huées fassent place à pire.
À l’indifférence.