Il serait un peu gênant, en 2024, de rappeler ce qui se produit lorsque les meilleurs joueurs d’une équipe donnent le meilleur d’eux-mêmes. Il y a une limite aux clichés que l’on se permettra dans ces pages, qui sont pourtant capables d’en prendre.
Mis à jour hier à 23 h 31
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Le Canadien possède deux identités distinctes qui ne sont pas étrangères à cette règle fondamentale des sports collectifs. Une première lorsque Juraj Slafkovsky est le fantôme que l’on a souvent vu (ou cherché) cette saison. Et une deuxième lorsque le même Slafkovsky joue comme il l’a fait samedi, voire comme il le fait depuis qu’on l’a réuni à Nick Suzuki et Cole Caufield.
Évidemment que le Tricolore est capable de gagner des matchs si le Slovaque est au point mort – il l’a d’ailleurs déjà fait. Mais lorsqu’il est à son sommet, comme samedi dans une victoire de 5-1 contre les Red Wings de Detroit, il donne l’impression qu’il peut transporter l’équipe entière sur ses larges épaules.
De fait, il n’est pas difficile de tracer un lien direct entre la dernière semaine du Canadien – une seule défaite contre trois victoires, consécutives en plus ! – et la renaissance du numéro 20. À cinq contre cinq, le premier trio du Canadien a été une locomotive. Le bilan mitigé sur le plan des buts (3-3) n’est pas représentatif de la répartition des tentatives de tir (presque 75 %) et des tirs cadrés (72 %) lorsque les trois étaient réunis sur la glace.
Samedi, Slafkovsky a été de tous les combats. Il était parfaitement positionné sur le but qu’il a marqué grâce à une habile déviation. Il en aurait inscrit un deuxième si la rondelle que voulait lui passer Patrik Laine n’avait pas dévié dans le filet avant de se rendre à lui. Il a aussi fait ce qu’il faisait si bien en deuxième moitié de saison, l’an dernier : protéger et distribuer la rondelle, décocher des tirs, gagner des batailles…
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Patrik Laine
Rien à voir, en somme, avec l’attaquant sans grande saveur des semaines précédentes.
« La différence, c’est que je patine, a-t-il affirmé sans détour, après la rencontre. C’est tout. »
Mais encore… ?
Je suis premier sur la rondelle et je lis mieux le jeu. De manière générale, je suis davantage en mouvement. Je ne suis pas immobile à attendre que les choses se passent.
Juraj Slafkovsky
Cette erre d’aller ne passe pas inaperçue chez ses coéquipiers.
« Il est tellement fort en possession de la rondelle, s’est ému Emil Heineman. Avec ses habiletés et son intelligence, c’est tout un joueur… »
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Emil Heineman (51)
Le Slafkovsky des beaux jours, c’est aussi celui qui rigole avec ses coéquipiers et qui s’engueule joyeusement avec ses adversaires sur la glace. Moritz Seider et lui en avaient très long à se dire, au cours des deux derniers jours.
« Quand sa confiance est là et qu’il joue comme ça, avec un gros sourire dans le visage, c’est contagieux, a analysé Jake Evans. Il tire le groupe avec lui. On espère que ça continue comme ça. »
Confiance
Plusieurs fois, depuis ses débuts dans la LNH en 2022, Juraj Slafkovsky a cité son manque de confiance pour expliquer ses insuccès. Samedi, il a justement souligné qu’à l’inverse, il se sentait actuellement en confiance. Ceci expliquerait donc cela.
Or, l’entraîneur-chef Martin St-Louis a rappelé qu’à ce chapitre, le meilleur allié du jeune homme était… lui-même.
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Juraj Slafkovsky (20)
« Ça part toujours avec le joueur, a dit St-Louis, reprenant ainsi une de ses phrases fétiches. Être en confiance, c’est être préparé. C’est rare que tu te prépares quand la rondelle est déposée. Tu te prépares à l’entraînement, avant le match… T’es responsable de ta confiance. »
Cette idée de la préparation nous ramène à ce que Slafkovsky évoquait en affirmant, tout bonnement, qu’il « patine ». Ou, en langue de hockey, qu’il « bouge [ses] pieds ».
C’est tellement un gros bonhomme ! Tu ne peux pas utiliser ton gabarit si tu n’utilises pas tes pieds. Et tu ne peux pas amener ton jeu physique sans rythme. C’est une loi de la physique : un gros objet en mouvement va causer plus de trouble pour quiconque est de l’autre côté.
Martin St-Louis, entraîneur-chef du Canadien
Nous n’avions pas sur notre carte de bingo l’énoncé de la deuxième loi du mouvement de Newton en ce frisquet samedi soir. Mais c’est arrivé quand même. Poursuivons.
« [Slafkovsky] fait ça, en ce moment, a repris l’entraîneur. Il retrouve des rondelles, il garde le jeu en vie, il crée de l’espace pour Suzuki et Caufield, il étire la possession… Ça lui donne de l’espace pour contrôler la rondelle, et là, on voit ses habiletés : il peut faire des jeux et il voit la glace. C’est un gros effet domino qui part du fait qu’il bouge ses pieds. »
Ce ne sera peut-être pas aussi heureux chaque soir. Mais tant que Slafkovsky ira, le Canadien ira mieux. Beaucoup grâce à lui. Et un peu grâce à Newton, aussi.
En hausse
David Savard
Intraitable défensivement, il a en outre appuyé l’attaque avec brio. Il a par ailleurs été au cœur des succès du Canadien en désavantage numérique lors des deux matchs contre les Red Wings.
En baisse
Kirby Dach
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Kirby Dach
Match après match après match, son trio est le moins bon de son équipe à cinq contre cinq. Il a aussi ajouté une punition inutile à sa fiche en fin de troisième période.
Le chiffre du match
227
Avec son 227e but dans l’uniforme du Canadien, Brendan Gallagher a dépassé Max Pacioretty au 18e rang de l’histoire de la franchise. Il pourrait rejoindre Tomas Plekanec (233), Toe Blake (235) et peut-être même Bob Gainey (239) dès cette saison.
Dans le détail
Une première en un an et demi
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Samuel Montembeault
Samuel Montembeault était le gardien partant pour la neuvième rencontre de suite, samedi. Plus surprenant encore, c’était la première fois depuis avril 2023 qu’un même gardien amorçait deux matchs en deux soirs. En fait, une telle pratique ne se voit quasi plus dans la Ligue nationale en 2024. On peut voir en cette décision un vote de confiance envers Montembeault ou un désaveu envers Cayden Primeau, qui n’a pas commencé un match depuis le 1er décembre. Interrogé à ce sujet avant la rencontre, l’entraîneur-chef Martin St-Louis a refusé de commenter. « Je me concentre pour aller coacher une game », a-t-il répondu froidement, esquivant la question. Montembeault a bien fait, samedi, repoussant 19 des 20 rondelles qui se sont rendues jusqu’à lui. « On s’entraîne fort tout l’été pour ça, a dit le Québécois. Je suis content que le corps suive encore et que ça aille bien. Même aujourd’hui, je me sentais encore pas pire. Un peu fatigué, mais on a tellement joué un bon match, donc ça m’a aidé. »
Baptême montréalais
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Alexandre Carrier
Alexandre Carrier a vécu le moment dont bien des joueurs québécois ont déjà rêvé, samedi : disputer un match au Centre Bell dans l’uniforme du Canadien. « [Fix You, de Coldplay], c’est définitivement la meilleure chanson pour embarquer avant le match ! », s’est-il exclamé dans un sourire. « J’étais fébrile, excité, un peu nerveux, mais ça fait partie du processus. Ça fait plusieurs années que je joue au niveau professionnel et je sais comment me calmer, donc j’ai juste essayé d’en profiter le plus possible. » Le défenseur a d’ailleurs récolté son premier point avec le Tricolore, une mention d’aide sur le deuxième but, celui de Jake Evans. Rappelons que Carrier, qui a rejoint l’équipe jeudi soir, n’a pas encore pris part à un entraînement. « Nous essayons de ne pas trop le submerger d’informations, a justement indiqué Martin St-Louis. J’ai l’impression qu’il a une grande intelligence et je pense qu’il peut en absorber beaucoup en peu de temps, mais je lui ai dit de ne pas trop s’inquiéter, de faire confiance à son instinct, de prendre soin de l’équipe. C’est ce genre de joueur : il est très responsable. »
Des unités spéciales laborieuses
L’entraîneur-chef des Red Wings, Derek Lalonde, avait insisté, après la défaite de vendredi, sur l’importance de faire un meilleur travail en avantage et en désavantage numérique. Mais pour la deuxième fois en 24 heures, son club a été peu convaincant sur les unités spéciales. Les visiteurs n’ont inscrit aucun but en cinq occasions avec un homme en plus. Et à court d’un joueur, ils ont accordé un autre but à Patrik Laine – il en avait inscrit un en pareilles circonstances, la veille. « Il faut limiter son espace, avait dit Lalonde au sujet de Laine avant la rencontre, samedi. Il faut le repousser le plus loin possible, le faire bouger, ne pas lui permettre d’avoir une position de tir. C’est un joueur spécial [en avantage numérique]. » De toute évidence, les Wings auront du travail à faire à ce chapitre d’ici leur prochaine rencontre contre le Tricolore, le 23 janvier prochain.
Katherine Harvey-Pinard, La Presse