(Newark, New Jersey) Le contexte était amusant. Nous voici à peine une heure avant le duel Blues-Devils mercredi soir, dans les entrailles du Prudential Center, à la sortie du vestiaire des Blues.
Publié hier à 23 h 02
Le nouvel entraîneur-chef, Jim Montgomery, est interrogé par l’un des deux journalistes de St. Louis au sujet de Jordan Binnington. Ce dernier sera le gardien partant des Blues et sa prochaine victoire sera sa 152e, ce qui battra le record d’équipe de 151 de Mike Liut. La question, évidemment, ne rajeunit personne.
« C’est tout un exploit. Il y a eu Mike Liut, Curtis Joseph, plusieurs très bons gardiens dans l’histoire de l’organisation, a énuméré Montgomery. Binnington connaît une carrière exceptionnelle, il a gagné la Coupe Stanley. C’est une récompense bien méritée. »
Voici donc Montgomery, entraîneur-chef des Bruins de Boston jusqu’à la semaine dernière, au chômage jusqu’à samedi, entraîneur-chef des Blues depuis quatre jours, qui discute de l’histoire des Blues à brûle-pourpoint. Entendons-nous : il ne s’est pas non plus fait demander de nommer la formation partante du premier match en 1967. Mais il reste que depuis son embauche, il a sans doute bien d’autres chats à fouetter que d’apprendre le livre des records des Blues.
« C’est mon troisième séjour avec les Blues, donc je connais bien leur histoire ! lance le Montréalais, fièrement. Je suis un historien du hockey. Je suis bien au fait de ce que Scott Bowman a fait ici, Red Berenson, Brian Sutter, Bob Berry, Joel Quenneville, Craig Berube aussi. »
Il y a eu de très bons entraîneurs ici et je suis choyé de suivre leurs traces.
Jim Montgomery
Pour un passionné de l’histoire du hockey, pour un Anglo-Montréalais aussi, on devine donc que d’occuper le poste que le grand Scotty Bowman a baptisé, il y a plus de 50 ans, ne doit pas être banal.
« C’est vraiment particulier, reconnaît Montgomery. C’est quelqu’un avec qui j’échange des messages textes. »
Du football aux Zoom
Scotty Bowman s’apprête à souper lorsqu’il répond à l’appel de La Presse.
« L’histoire remonte à très longtemps ! s’exclame le nonagénaire. Je ne connaissais pas Jimmy, mais je connaissais son père [également prénommé Jimmy], c’était un bon athlète. Je jouais au football à Verdun, lui vivait dans Rosemont, mais il était venu jouer dans notre équipe. Il ne jouait pas au hockey, mais c’était un bon athlète qui a participé aux Jeux olympiques [de 1956] en boxe. »
Bowman et Montgomery, le fils, se croiseront ensuite dans le milieu du hockey. Dans les années 2010, Bowman était consultant pour les Blackhawks de Chicago et un de leurs espoirs, Ian Mitchell, jouait pour l’Université de Denver, où Montgomery a coaché de 2013 à 2018 et gagné un championnat national en 2017.
Une autre initiative les a ensuite rapprochés. En pleine pandémie, Montgomery, alors sans emploi après avoir perdu son poste à Dallas en raison notamment d’une dépendance à l’alcool, a organisé sur Zoom des séminaires virtuels pour entraîneurs en compagnie du Québécois Jon Goyens. Dans ces « Coaches Café », des sommités du coaching étaient invitées à faire partager leur vécu. Bowman y a participé, tout comme Quenneville et Barry Trotz, entre autres.
« Ça l’a aidé personnellement, car ça lui a permis de rester engagé dans le sport. Il parlait de hockey et communiquait ses connaissances aux meilleurs au monde », rappelle Goyens, au bout du fil.
Montgomery retrouvera ensuite un poste d’adjoint chez les Blues, puis d’entraîneur-chef à Boston. « On se textait quand il dirigeait les Bruins, ajoute Bowman. Je l’ai laissé tranquille ces derniers temps quand ça allait moins bien, je ne voulais pas non plus m’imposer. Mais je lui ai écrit pour lui souhaiter du succès à St. Louis.
« Jimmy a coaché à plusieurs niveaux, il a investi beaucoup de temps, poursuit le légendaire entraîneur. Sa plus grande qualité, c’est qu’il est un bon communicateur, il est confiant, il est très direct, ne cache rien et dit la vérité. Et il est très juste. »
Impact immédiat
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Mathieu Joseph
Cette honnêteté a frappé ses nouveaux protégés.
« Ça a été une excellente première impression pour moi, a affirmé l’attaquant Mathieu Joseph, rencontré sur la passerelle au premier entracte mercredi (il était laissé de côté). Il est arrivé en parlant de l’ancien coach, en disant que ce n’est pas facile, que lui aussi s’était fait congédier cinq jours plus tôt. Juste d’avoir mentionné Drew [Bannister] en premier, ça a montré qu’il a beaucoup de classe. Après, il a juste été honnête avec nous, sur ce qu’il pense de nous et l’identité qu’on veut avoir. »
« Son message était très clair », a ajouté l’attaquant Alexandre Texier.
Les Blues ont remporté leurs deux premiers matchs sous sa gouverne, les deux sur la route, 5-2 lundi face aux Rangers de New York et 3-0 mercredi face aux Devils. Dans ce match, le nouveau pilote a demandé un temps d’arrêt en milieu de deuxième période. Son équipe menait certes par trois buts, mais les Devils dominaient 10-1 aux tirs au but et les partisans du Canadien auraient eu une étrange impression de déjà-vu en voyant des Blues ankylosés dans leur territoire.
Pendant la pause, Montgomery dégageait un mélange de calme et de fermeté. Il a conclu son intervention en tapant des mains, comme pour encourager ses hommes, qui ont stoppé l’hémorragie. On était loin de l’homme un brin trop animé au goût de certains, pendant une prise de bec avec Brad Marchand au banc des Bruins, à peine un mois plus tôt.
« Quand tu perds le momentum et que tu en as la chance, ça vaut la peine de remettre les compteurs à zéro. Et il restait plus de deux minutes avant la prochaine pause publicitaire », a justifié Montgomery.
À l’arrêt de jeu suivant, le Montréalais a pris quelques instants avec Zachary Bolduc, au banc, pour lui enseigner quelques correctifs. « Ce que j’aime de lui, a dit Bolduc après le match, c’est que quand il voit quelque chose, il vient te le dire sur le moment, il n’attend pas une semaine, et c’est toujours direct et clair. »
Quatre ans plus tard, Jake Allen est toujours apprécié
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Jake Allen
Scène sympathique pendant l’entraînement matinal des Blues. Un relationniste de l’équipe était assis dans les gradins du Prudential Center aux côtés du descripteur des matchs et de Jeremy Rutherford, journaliste affecté à la couverture des Blues pour The Athletic. Et Jake Allen, maintenant porte-couleurs des Devils, est venu saluer tout ce beau monde et leur faire la causette pendant une dizaine de minutes. Après le match, Allen attendait notamment Jordan Binnington, son ancien partenaire devant le filet. Allen pouvait féliciter Binnington, qui a établi le record de victoires dans l’histoire des Blues avec ce triomphe. « J’adore Jakey, il était un mentor pour moi, a indiqué Binnington. C’est simplement un grand meneur et j’ai appris de lui. » Quatre ans après son départ des Blues, Allen a visiblement laissé sa marque dans son ancienne équipe.