(Dallas, Texas) Suivre le Canadien dans une saison de 82 matchs, c’est forcément entendre souvent les mêmes remarques, thèmes ou réflexions de la part des joueurs et des entraîneurs.
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On ne le leur reprochera certainement pas, vu toute l’attention médiatique dont ils font l’objet, surtout dans un marché comme Montréal. Or, à travers le temps qui passe et les matchs qui s’égrènent, le sens des mots finit par se perdre.
La victoire de 3-1 du Canadien à Dallas, une 11e en 14 matchs, acquise grâce à un effort collectif colossal, a incarné quelques-uns de ces concepts récurrents. Morceaux choisis.
Le retour du plaisir
Auteur de 32 arrêts, le gardien Jakub Dobeš tentait de répondre aux questions des journalistes après la rencontre, mais il peinait à placer un mot.
Juraj Slafkovsky, assis seul à son casier en attendant la visite des représentants de la presse, ne cessait de couper la parole à son coéquipier.
PHOTO TONY GUTIERREZ, ASSOCIATED PRESS
Juraj Slafkovsky (20)
Alors que son coéquipier expliquait comment il composait avec le trafic lourd autour de son filet, le Slovaque a crié que c’était « la chance d’un Tchèque », en référence à l’origine de Dobeš.
Peinant à retrouver son sérieux, le portier a repris son exposé, interrompu à mi-chemin par un « bla, bla, bla ! » du numéro 20.
Or, Dobeš ne s’en est pas laissé imposer. Interrogé sur le calme et le sang-froid qu’il démontre devant son filet, il a souligné, moqueur, que « ce gars-là [le] prépare beaucoup avant les matchs » en testant sa patience.
Ces boutades ne passeront pas à l’histoire, mais elles sont révélatrices de l’humeur qui règne au sein du groupe. En matinée, David Savard et Joel Armia ont, chacun leur tour, décrit à quel point les joueurs éprouvent du plaisir à se retrouver à l’aréna. C’est manifeste depuis un bon moment, et ce l’était encore davantage à Dallas.
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Jakub Dobeš (75), Lane Hutson (48), David Savard (58) et Michael Pezzetta (55)
En début de campagne, les visages longs qui défilaient en silence après les défaites trahissaient un état d’esprit tout autre.
Le changement n’est pas anecdotique. Il est radical.
Les gardiens font les arrêts
Toujours avant la rencontre, Savard et l’entraîneur-chef Martin St-Louis ont mentionné la qualité du travail des gardiens de but parmi les facteurs ayant contribué à la séquence victorieuse du Tricolore.
La bonne nouvelle, c’est qu’ils sont bons, mais qu’ils n’ont pas à être surhumains. Au cours du dernier mois, Samuel Montembeault a été excellent, mais pas un faiseur de miracles non plus. Il accomplit son travail et donne confiance à ses coéquipiers. Comme le fait un gardien numéro un, finalement.
Jakub Dobeš, toutefois, a été spectaculaire. En n’accordant qu’un but aux Stars, il a conservé sa fiche parfaite de quatre victoires en autant de départs dans la LNH, toutes acquises contre des clubs de tête. Sa moyenne de buts alloués s’établit désormais à 0,98 et son taux d’arrêts à, 963. Un délire complet.
« C’est un jeune joueur, je ne peux pas dire que je le connais beaucoup, a avoué Martin St-Louis. J’apprends à le connaître, et j’apprends que ses actions sur la glace, il les fait avec beaucoup de confiance. »
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Jakub Dobeš
« Dois-tu te pincer pour réaliser ce qui t’arrive ? », a demandé un journaliste au gardien.
« Quand j’étais avec le Rocket de Laval, je voulais être ici, a rétorqué le jeune homme. Je voulais prouver que j’ai ma place ici et montrer à tout le monde que [le Canadien] a fait le bon choix. Je ne le dis pas pour paraître arrogant. Je veux prouver ce dont je suis capable, c’est tout. »
C’est déjà beaucoup.
Les détails
Parler des « détails » est très à la mode dans la LNH depuis quelques années. Au point où le concept peut devenir galvaudé.
À propos de son adaptation rapide au rythme de la LNH, Jakub Dobeš a parlé de l’importance qu’il accorde aux « détails ». Cette fois, ça semblait drôlement concret.
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Jakub Dobeš (75)
« Je mets beaucoup de travail dans des choses qui me donnent peut-être seulement quelques points de pourcentage [de succès] additionnels, a-t-il noté. C’est peut-être dans la Ligue américaine, on regardait des vidéos pour me préparer à jouer dans la LNH.
Des exemples des améliorations qu’il a apportées ?
À petite échelle : « Contre les Capitals et l’Avalanche, je sentais que je mordais aux feintes [de mes adversaires], a-t-il encore dit. Mais je gagne de l’expérience à chaque match et je m’ajuste pour être le plus imposant et le plus patient possible. Si les tireurs ne voient aucune ouverture, ils paniquent. »
À grande échelle : « À mes débuts à Laval, je frappais souvent le filet avec mon épaule [dans mes déplacements], alors j’ai travaillé sur ma capacité à me relever différemment », a-t-il illustré, gestes explicatifs à l’appui.
Peut-être sont-ce seulement des « détails ». Mais à l’évidence, ils font une sacrée différence.
L’engagement
Un dernier thème très en vogue est celui de l’engagement collectif – « buy in », en anglais. Ça aussi, on l’entend souvent et depuis longtemps. Ce qui a changé, c’est que la théorie semble loin derrière. On est passé à la pratique.
« C’est la manière dont on joue récemment ; tout le monde est engagé, a justement lancé Nick Suzuki. [Contre les Stars], on voulait aller chercher l’avance, on a trouvé une manière et on a fermé les livres. »
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Nick Suzuki (14), Juraj Slafkovsky (20) et Cole Caufield (13)
Surtout, malgré le brio de Dobeš, le Tricolore a joué une autre troisième période responsable et efficace. Alors que les locaux cherchaient désespérément à créer l’égalité, les hommes de Martin St-Louis ont gardé leur calme et limité au possible l’accès à l’enclave.
« Je pense qu’on a bien joué défensivement tout le match, a analysé Suzuki. Beaucoup de gars ont bloqué des tirs. C’est une bonne recette pour gagner. »
Avec 23 tirs bloqués, le CH a en effet largement dépassé sa moyenne jusque-là (17).
« Les gars se sacrifient beaucoup pour quelque chose de plus gros qu’eux, a conclu Martin St-Louis. Ça paraît et c’est contagieux. Ce n’est pas juste un joueur qui se sacrifie, c’est tout le groupe. Dans n’importe quel scénario, ils jouent la game. Et c’est ce qui nous aide à aller chercher du succès. »
Surtout, au risque de se répéter, on n’entend plus seulement des souhaits ou des mots. Les partisans, finalement, assistent à des actions concrètes et observables. Le Tricolore est passé de la parole aux actes, qui se convertissent en points au classement, dans une course aux séries qu’on n’aurait jamais crue possible il y a un mois à peine.
En hausse
Juraj Slafkovsky
Il a mis fin à une disette de 10 matchs sans but et son implication a aidé son trio à provoquer les meilleures chances de marquer du CH.
En baisse
Mike Matheson
Ça faisait longtemps qu’on ne l’avait pas vu prendre autant de risques et de mauvaises décisions. Ça s’est traduit par plusieurs passes hasardeuses, dans sa zone comme en territoire adverse.
Le chiffre du match
8
C’est le nombre de mises en échec qu’a distribuées Joel Armia. Alors qu’il n’avait plus de bâton, il a réservé l’une de ses plus spectaculaires à Thomas Harley, qui n’a pas semblé comprendre ce qui lui arrivait.
Dans le détail
Evans revient sur Terre
Après la victoire de 5-2 du CH à Tampa, le 29 décembre dernier, Jake Evans marchait sur l’eau. Grâce à un cinquième but en cinq matchs, il venait de porter son total à 10 depuis le début de la campagne. Seul hic : son taux de réussite sur ses lancers était alors de 31,3 % (10 sur 32). Il était écrit dans le ciel qu’il ralentirait, et c’est exactement ce qui se produit. Blanchi à Dallas, le joueur de centre n’a maintenant inscrit aucun but ni point à ses huit dernières sorties. Dans l’intervalle, il a cadré 12 tirs, sans succès, et ce, malgré un lancer de punition à Salt Lake City et une échappée à Dallas, ce qui a abaissé son taux global à 22,7 %. Malheureusement pour lui et pour ses partisans les plus ardents, c’est encore élevé. Ça pourrait donc descendre davantage sans que ce soit étrange ou alarmant.
Les mauvais plis de Pezzetta
On n’avait pas prévu parler de Michael Pezzetta pour une troisième journée de suite, mais l’attaquant nous y a un peu obligés. En matinée, Martin St-Louis avait expliqué que l’ailier devait encore « construire sa game ». « On essaie de lui donner des répétitions pour qu’il se sente [plus à l’aise], a-t-il ajouté. Malheureusement pour lui, on a tiré de l’arrière tôt dans les matchs récemment. Ce serait bien de lui en donner plus. J’espère le faire ce soir. » Sur papier, il lui en a en effet donné davantage, puisque Pezzetta a atteint un sommet par rapport à ses trois matchs précédents, en jouant… 4 min 31 s. Il faut dire que l’attaquant ne donne pas beaucoup de bonnes raisons à son entraîneur de l’envoyer plus souvent dans la mêlée, puisqu’il a écopé d’une punition mineure pour la troisième fois de suite en première période. La soirée du numéro 55 s’est de nouveau conclue tôt au deuxième vingt.
Dallas à Dallas
C’était soirée rétro, jeudi soir au American Airlines Center, et l’organisation des Stars n’a lésiné sur aucun détail dans cet hommage aux années 80 et 90. La trame sonore a été un élément fort de la thématique, les meneuses de claque ont sorti leggings et jambières pour l’occasion et les extraits des films de la franchise Karate Kid (les deux premiers) ont été nombreux et appréciés par la foule. Mais c’est sur le plan visuel que les concepteurs se sont le plus éclatés. L’écran comptabilisant les statistiques de base semblait être sorti de la Série du Siècle et l’infographie du tableau indicateur principal rappelait l’allure de celui du vieux Forum de Montréal – sans commandite de cigarettier, s’entend. Aussi, les vidéoclips de Take On Me (A-ha) et de Straight Up (Paula Abdul) ont été réenregistrés plan par plan près en y incluant la mascotte Victor E. Green. Le clou du spectacle est toutefois survenu juste avant le match lorsque la présentation des joueurs des Stars a été faite grâce à un pastiche du générique de la série Dallas. Du bonbon.