Kristian Matte a tenu à coucher sur papier son discours de retraite pour éviter de pleurer ou d’oublier qui que ce soit lors de son allocution de lundi après-midi, dans le vestiaire des Alouettes de Montréal au Stade olympique.
Publié à 16 h 16
« Ça fait 30 ans, 30 ans que je joue au football », a d’abord dit le vétéran de 39 ans, assis devant sa conjointe et leurs deux enfants.
« Et je suis extrêmement fier… », a-t-il poursuivi. Mais les larmes ont coulé. Pendant la quarantaine de minutes qu’a duré l’officialisation de son départ à la retraite et de la fin de son aventure de 14 saisons avec les Alouettes, Matte a utilisé des mouchoirs à quelques reprises pour essuyer la tristesse et la nostalgie qui coulaient sur son texte soigneusement préparé.
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Kristian Matte a utilisé des mouchoirs à quelques reprises pour essuyer la tristesse et la nostalgie qui coulaient sur son texte soigneusement préparé.
Le joueur de ligne offensive a enfilé les épaulières pour la première fois à 8 ans, à Saint-Hubert. Puis, il a décidé d’accrocher ses crampons trois décennies plus tard dans le vestiaire qui l’a accueilli en 2010. « J’ai le cœur en paix. J’ai accompli tout ce que j’avais à accomplir. »
Une carrière remplie
En sortant de l’Université Concordia, Matte s’est entendu avec les Texans de Houston, dans la NFL. Il a participé à quelques entraînements avec l’équipe texane avant de se joindre aux Alouettes, qui l’avaient repêché au septième rang de l’encan 2010 de la Ligue canadienne de football.
Le joueur de ligne offensive s’est entendu avec l’équipe de son enfance et a remporté sa première Coupe Grey quelques mois plus tard. Il en a gagné une autre en 2023.
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Kristian Matte
Entre-temps, il a été nommé deux fois au sein de l’équipe d’étoiles de la division Est, en 2019 et en 2021. Et avec ses 190 matchs disputés dans l’uniforme tricolore, Matte arrive au huitième rang de l’histoire de la concession.
Selon le directeur général Danny Maciocia, cette longévité a de quoi impressionner.
Avec le sport professionnel d’aujourd’hui, on ne voit pas ça souvent. C’est de la rareté. En plus, avec la même équipe, ça se voit de moins en moins. En particulier dans la Ligue canadienne, où on gère nos contrats et nos budgets une année à la fois.
Danny Maciocia
Témoin privilégié de l’évolution et de l’importance de Matte au sein de cette organisation, Maciocia précise que le vétéran « aurait pu faire plus d’argent ailleurs ».
Cependant, « il a choisi de rester ici pour l’amour de sa ville, de l’organisation et de sa famille ».
Pour jouer aussi longtemps, « ça prend une bonne préparation toutes les saisons mortes, a expliqué la vedette du jour. Il ne faut jamais rien tenir pour acquis. Et quand tu aimes quelque chose, tu trouves le moyen de réussir. Quand ça dure si longtemps, il faut dire qu’il y a aussi un peu de chance. »
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Kristian Matte
La carrière de Matte aurait pu s’achever dans l’apothéose, il y a un an, après la conquête des Alouettes. « Je voulais encore jouer », a cependant précisé le colosse de 6 pi 4 po et 296 lb. « J’avais de bonnes sensations, j’avais encore du plaisir à jouer après la Coupe Grey. Je venais de connaître une bonne année. »
Il est vrai cependant que l’année 2024 a été « une année hors de l’ordinaire à cause des blessures ». Limité à seulement six matchs en raison d’ennuis de santé, Matte avait toujours été épargné auparavant. Cette ultime saison ne s’est pas déroulée comme il l’espérait, sur les plans individuel et collectif, mais il n’éprouve aucun regret.
Le cœur à Montréal
Treize années séparent les deux triomphes de Matte dans l’uniforme des Alouettes. « En gagnant à ma première année, je pensais que ça allait être comme ça toutes les années, a-t-il dit à la blague. Mais malheureusement, ça ne s’est pas passé comme ça. »
Ont suivi des années complexes et inquiétantes pour l’organisation. Sur le plan sportif, l’équipe laissait à désirer. Dans la métropole, le prestige et l’intérêt envers cette équipe s’étaient estompés. Pendant près d’une décennie, le logo des Alouettes avait perdu une certaine valeur dans la communauté.
Je n’ai jamais eu l’intérêt d’aller voir ailleurs.
Kristian Matte
Il est resté par loyauté, parce que Montréal lui a « donné une chance » à ses débuts. Puis, il souhaitait également « faire partie du groupe qui allait changer ça pour qu’on puisse revenir aux moments de gloire ». Et c’est ce qui s’est produit.
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Kristian Matte avec sa femme, Mélissa, et leurs enfants, Ellison et Zackary
La suite
Matte a aussi évoqué le désir de rester dans le monde du football, lundi. Que ce soit comme entraîneur ou comme recruteur. Son année passée loin des lignes de tranchées et plus près des lignes de côté lui a permis d’évoluer comme mentor.
« Ça a été une année de transition. J’ai pu apprendre à jouer au football différemment », a-t-il révélé.
Selon Maciocia, Matte a toutes les qualités requises pour gravir les échelons comme entraîneur.
On a vu quelque chose de différent chez lui à cause de cette blessure. Et c’est là qu’on s’est dit qu’il avait tout un avenir dans le football. Si j’étais un directeur d’école ou un entraîneur en chef d’un programme universitaire, il serait un candidat idéal.
Danny Maciocia
Même son de cloche pour Luc Brodeur-Jourdain. Pendant la conférence de presse, il était assis en retrait, avec Anthony Calvillo, pour appuyer son ami et dernier membre actif des Alouettes à avoir contribué à la Coupe Grey de 2010.
« Il serait un bon entraîneur, parce que c’est un joueur qui s’est toujours bien préparé pour affronter les adversaires. Je le vois très bien comme coach, il n’aurait aucun problème ! »
À la fin de sa conférence de presse, Matte a posé avec son maillot numéro 51 pour les photographes avant de rejoindre sa famille, la véritable raison de son succès, a-t-il affirmé. « Je joue mon meilleur football depuis que j’ai des enfants. »