
Le secret d’une bonne gestion réside généralement dans la délégation des tâches. Un ministre des transports ne vient pas réparer un feu de circulation défectueux, pas plus qu’un vice-président de conglomérat médiatique n’appelle dans la salle de rédaction pour faire corriger une coquille dans la bande défilante à la télévision.
Publié à 14 h 03
Et en principe, un propriétaire d’équipe sportive n’a pas à rencontrer ses joueurs en plein milieu d’une saison. C’est le travail de l’entraîneur, de ses assistants et, au besoin, du directeur général.
Mais voilà que le propriétaire des Sabres de Buffalo, Terry Pegula, a pris les choses en main. Lundi, il est débarqué à Montréal afin de rencontrer ses joueurs au Centre Bell, à la veille de leur duel face au Canadien. La veille, les Sabres avaient subi une 10e défaite de suite, après quoi l’entraîneur-chef, Lindy Ruff, s’était dit « à court de mots ».
Visiblement, Pegula les a trouvés, lui, les mots. « Personne n’a abandonné et ça commence avec notre propriétaire, qui est venu ici pour nous dire qu’il croit encore en nous », a relaté l’attaquant Tage Thompson, après l’entraînement matinal des Sabres.
La tenue de cette rencontre sous-entend, à elle seule, que la tension est élevée dans l’entourage de cette équipe, qui tente d’éviter une 14e exclusion de suite des séries. Hormis cette bribe de Thompson, personne n’a voulu révéler quoi que ce soit des propos du proprio. Même au sujet de l’organisation de cette rencontre, plusieurs joueurs demeurent évasifs. Deux d’entre eux, Nicolas Aubé-Kubel et Owen Power, ont dit avoir appris en arrivant au Centre Bell que Pegula débarquait.
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Lindy Ruff, entraîneur-chef des Sabres de Buffalo
L’entraîneur-chef, Lindy Ruff, dit quant à lui l’avoir su « après la défaite à Toronto ». Il n’a toutefois pas défini le « après », ce qui est bien malheureux parce que dans l’absolu, tout le reste de l’histoire de l’humanité se sera déroulé après cette défaite de 5-3 des Sabres face aux Maple Leafs.
On devine évidemment la situation inconfortable pour un entraîneur-chef, qui peut seulement survivre à un certain nombre d’interventions de ses supérieurs s’il veut maintenir son ascendant. Or, cette intervention survient 31 matchs après l’entrée en poste de Ruff, qui est néanmoins resté bon prince.
« C’est incroyable, ce qu’il a fait. Terry est passionné par ce qu’il fait ici. Son geste veut dire beaucoup. […] Chaque fois qu’un propriétaire a l’équipe assez à cœur pour venir, ça envoie un message qui résonne dans le vestiaire », a résumé Ruff.
Des Sabres nerveux
Au cours de leur malheureuse séquence, les Sabres présentent la 30e attaque de la LNH (2,30 buts par match) et la pire défense (3,80 buts accordés). À 7,7 %, l’avantage numérique est en panne.
Quatre fois, ils ont inscrit le premier. Trois fois, ils menaient même après une période. « On prend l’avance tôt dans les matchs, mais on réussit à perdre. On sait quoi faire, on veut changer le vent de bord et partir pour 10 victoires de suite ! », a lancé Aubé-Kubel, un peu en riant.
L’unique Québécois dans l’effectif actuel des Sabres ne s’émouvait guère du message de confiance livré par Pegula. Si le propriétaire dit croire en ses joueurs, eux aussi y croyaient déjà. « Même avant ce meeting-là, on pensait ça. On a le talent, les attributs. Il faut juste tout mettre ça ensemble et que la colle sèche », a-t-il imagé.
La fameuse jeunesse
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Nicolas Aubé-Kubel
Selon les données colligées par The Athletic en début de saison, le duel de mardi opposera les deux plus jeunes équipes de la LNH.
Or, leur moyenne d’âge maintenant à 26,3 ans, plusieurs de ces joueurs ont du vécu, puisqu’ils sont nombreux à avoir fait leurs premiers pas dans la LNH à 18, 19, 20 ans. On est loin ici des Red Wings des années 2000, qui laissaient mûrir leurs espoirs dans la Ligue américaine jusqu’à leur crise de la quarantaine ou presque.
« On ne peut pas juste dire que c’est la jeunesse, a rappelé Ruff. Nos joueurs sont jeunes, mais ils ont de l’expérience. Si tu as joué 150, 300 matchs, tu es jeune en âge, mais tu as joué beaucoup de matchs. »
Citons par exemple Owen Power, 22 ans, qui disputera un 195e match mardi. Dylan Cozens, à 23 ans, en jouera déjà un 312e.
Rasmus Dahlin, lui, 24 ans, est blessé et son compteur est donc arrêté à 461 matchs. Comme il s’approche d’un retour, il a cependant accompagné l’équipe à Montréal et a même parlé aux médias, en tant que capitaine.
L’effet de la rencontre de lundi ? « On verra en soirée, mais c’était bien. On est dans un bon état d’esprit. Ce soir, c’est un gros match. »
Dahlin a, tristement, du vécu en matière de séquences de défaites. Lors de la saison écourtée de 2021, les Sabres avaient subi 18 défaites de suite. Thompson et Cozens faisaient eux aussi partie de cette édition malheureuse, qui allait toutefois leur permettre de repêcher Power au 1er rang l’été suivant.
En 2014-2015, les Sabres avaient subi 14 revers de suite. Et c’est justement à Montréal que la vilaine séquence avait fini, le 3 février 2015. Buffalo l’avait emporté 3-2 et étrangement, Tyler Ennis avait trouvé le moyen de terminer la rencontre avec un différentiel de -2 même s’il était dans le camp gagnant.


