Le Maroc a achevé la saison 2024-2025 par deux victoires en matches amicaux contre la Tunisie (2-0, le 6 juin) et le Bénin (1-0, le 9 juin) à Fès. Pourtant, malgré une série historique de douze succès consécutifs, le sélectionneur Walid Regragui n’est pas épargné par les critiques. L’ex-Lion de l’Atlas Abdeslam Ouaddou (46 ans, 58 sélections), entraîneur de Marumo Gallants (Afrique du Sud), appelle à davantage de sérénité à sept mois de la CAN que le Maroc organisera (du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026).
Entretien réalisé par Alexis Billebault
Abdeslam Ouaddou, en battant la Tunisie et le Bénin, le Maroc surfe sur une série record de douze victoires consécutives, une première dans l’histoire de la sélection. Pourtant, Walid Regragui est critiqué, notamment par rapport à la qualité des prestations de son équipe. Ces critiques vous semblent-elles exagérées ?
Complètement. On doit être le seul pays au monde où certaines personnes semblent souhaiter qu’un sélectionneur à la tête d’une équipe invaincue depuis quatorze matches (treize victoires, un nul) et qui a gagné les douze derniers soit remplacé. J’ai du mal à y croire. Le bilan chiffré est très bon.
Vous savez que ce ne sont pas les chiffres qui sont contestés, mais le jeu proposé…
Mais on ne peut pas gagner tous les matches par 4-0, 5-0 ou 6-0 ! Ceux qui suivent de près l’actualité du football international, et plus particulièrement africain, savent que, depuis des années, le niveau s’est resserré. Les pays travaillent bien, le football progresse partout. Regardez les progrès effectués par les Comores, le Cap-Vert depuis une dizaine d’années !
أبرز لحظات فوز منتخبنا الوطني أمام البنين
Victory highlights 🇲🇦🎥#DimaMaghrib pic.twitter.com/h0ggfAYpU8
— Équipe du Maroc (@EnMaroc) June 9, 2025
Et encore, à ceux qui viennent dire que le Maroc ne propose pas un football offensif, je rappelle juste qu’en 2024, il a remporté des victoires très larges contre la Centrafrique (4-0, 5-0), le Gabon (4-1, 5-1), le Congo (6-0) ou le Lesotho (7-0). Ce n’est quand même pas si mal pour une équipe qui soi-disant ne joue pas très bien. Bien sûr, on a le droit de dire que parfois, elle n’est pas flamboyante. On peut se montrer critique, cela fait partie du jeu, du débat. Mais de là à demander son départ… Ce serait une première mondiale qu’un sélectionneur invaincu en quatorze matchs soit démis de ses fonctions.
“J’aimerais qu’on laisse Walid Regragui travailler”
Comme lors des deux derniers matches, et notamment celui face au Bénin ?
Oui. Est-ce grave pour autant ? Ce sont des matches amicaux, disputés face à des sélections de bon niveau, qui disputeront la CAN. Nous sommes au mois de juin, en fin de saison. Les joueurs sont logiquement fatigués. Il y a des absents, des blessés. Et en face, des équipes qui sont motivées car elles affrontent une des meilleures sélections africaines.
Est-ce que l’Argentine, la France, la Côte d’Ivoire, le Portugal, le Sénégal sont toujours flamboyants ? Non. Et pourtant, ils gagnent des titres. Moi, ce que j’aimerais, c’est qu’on laisse Walid Regragui travailler. Nous sommes à sept mois de la CAN. Est-ce que vous trouvez que c’est le moment de créer cette ambiance de défiance, alors qu’au contraire nous avons besoin de sérénité, de calme ?
Pas vraiment. Mais il faut poser la question à ceux qui critiquent le sélectionneur…
On avait déjà eu droit à la même chose avec Vahid Halilhodzic, qui avait lui aussi un bon bilan, il me semble. Regragui a pris l’équipe à trois mois de la Coupe du monde 2022 au Qatar, elle termine quatrième. Elle est très bien partie pour se qualifier pour la prochaine. Ses résultats sont bons. D’accord, la dernière CAN en Côte d’Ivoire n’a pas été très réussie, et le coach en est parfaitement conscient.
Sur les réseaux sociaux, dans certains médias, les critiques sont parfois très virulentes. Regragui l’a dit lui-même : s’il ne gagne pas la CAN au Maroc, il prendra ses responsabilités. Mais d’ici la CAN, qu’on le laisse bosser avec ses joueurs. En tirant à boulets rouges sur le sélectionneur, on risque surtout de créer de la tension autour de l’équipe, de mettre encore plus de pression, alors que nous savons qu’elle sera déjà très forte pour une CAN à domicile. Franchement, je ne comprends pas.
Préférez-vous gagner la CAN avec du beau jeu ou peu importe la manière ?
Seulement 3 équipes ont battu le Maroc sous Regragui. 73 buts marqués.
À 6 mois de la CAN, restons unis derrière les Lions. Stop à la déstabilisation !#TousDerriereRegragui pic.twitter.com/jjcprDjBXH— Mounim El houbba (@mountakhabnett) June 13, 2025
Envisagez-vous un changement de sélectionneur avant la CAN ?
Dans le football, vous savez… Halilhodzic avait été viré trois mois avant la Coupe du monde au Qatar, sous la pression de la rue et de certains médias. Et là, puisque je suis régulièrement ce qui se dit sur les réseaux sociaux, je peux vous assurer que des Marocains souhaitent qu’il parte ou qu’il soit limogé ! Moi, j’aimerais bien qu’il soit davantage soutenu, par d’anciens joueurs, par les instances. Si on commence à débattre sur le sort du sélectionneur à sept mois de la CAN, à demander son départ, on va se mettre en difficulté et cela risque de nuire à la sélection.
” Quand Walid dit qu’il est le meilleur sélectionneur de l’histoire du Maroc…”
Lors de ses dernières conférences de presse, avez-vous remarqué une certaine nervosité chez walid Regragui ?
Walid est un très bon communicant. Il s’exprime bien, il est intelligent, il a de l’humour, il sait s’y prendre avec la presse. Mais oui, je l’ai trouvé un peu tendu à certains moments. Quand il dit qu’il est le meilleur sélectionneur de l’histoire du Maroc, on ne va retenir que cela. Or, il précise bien que c’est par rapport à cette série de douze victoires consécutives mais peu importe, des gens vont dire qu’il a la grosse tête, ou je ne sais quoi. Et le problème, c’est que dès que vous dites quelque chose, on ne va retenir qu’un bout de phrase qui ne résume pas ce que la personne a voulu dire. Il le sait, et il n’aurait peut-être pas dû le dire.
Espérez-vous que les choses se calment cet été ? Une rencontre entre Walid Regragui et Fouzi Lekjaa, le président de la fédération, est d’ailleurs prévue prochainement, mais des sources proches de l’instance laissent entendre que le coach n’est pas menacé…
Il faut que l’on retrouve de la sérénité. Franchement, on a tout pour bien travailler. Une très bonne équipe, placée dans d’excellentes conditions par la fédération, avec des joueurs de haut niveau, un sélectionneur qui fait bien son boulot, des stades modernes, des supporters passionnés… Est-ce que nous avons besoin de créer une mauvaise ambiance alors que dans les prochains mois, les Lions de l’Atlas vont jouer leur qualification pour le Mondial, puis la CAN à domicile ? Franchement, non !
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