Il y a une scène mémorable dans le troisième Rocky, ce chef-d’œuvre méconnu du cinéma d’auteur, où Apollo Creed, l’un des grands philosophes du siècle dernier, évoque l’importance de devoir posséder l’œil du tigre.
Les plus érudits le savent : l’œil du tigre représente cette quête de l’absolu, ce désir de surmonter les obstacles, cette soif de la victoire, ce dépassement de soi. On va se le dire, il serait à peu près temps que les Bills de Buffalo aient l’œil du tigre, eux aussi.
Les échecs de cette ville sont bien documentés. En partant, Buffalo n’est pas exactement une destination prisée, à part peut-être aux yeux de notre collègue Guillaume Lefrançois, qui ne déteste pas y passer ses étés de temps à autre. Mais d’ordinaire, Buffalo est perçu pour ce qu’il est : une ville qui ne gagne pas souvent, ni dans les sports ni dans la vie.
Mais cette réputation peu enviable va peut-être changer dimanche.
Les Bills seront alors à Kansas City, à une seule victoire du Super Bowl. Le moment est parfait pour effacer les douleurs du passé, alors que les Jim Kelly, Thurman Thomas et autres Marv Levy ont échoué quatre fois de suite au Super Bowl. Ça, c’était au début des années 1990, et aujourd’hui, les Bills se retrouvent face à quelque chose de gros, comme peut-être le début d’un temps nouveau.
Bien sûr, tout ça est possible grâce à un quart de 28 ans qui est en état de grâce. Josh Allen, finaliste au titre de joueur de l’année, est sans doute au sommet de sa forme, et ce serait une tragédie, rien de moins, si les Bills gaspillaient ses meilleures années.
Avec Allen aux commandes, les Bills en sont à une sixième participation de suite aux séries, et le match de dimanche sera pour eux une deuxième participation à la finale de la Conférence américaine depuis le début de l’ère Allen, en 2018.
Pat Burns l’a déjà dit : à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Ça tombe bien puisque les Bills vont s’approcher de la partie périlleuse dimanche, car pour avancer au Super Bowl, ils vont en premier devoir vaincre les Chiefs sur leur propre terrain, un exploit que personne n’a pu accomplir cette saison.
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Le quart-arrière des Chiefs de Kansas City Patrick Mahomes
Ces Chiefs, par ailleurs, commencent à être détestés d’un peu tout le monde. Entre autres, cette propension de Patrick Mahomes à plonger tout partout comme si son nom était Neymar n’aide en rien. On ajoute à cela un arbitrage qui semble les favoriser à la moindre occasion, et puis voilà, ça commence à faire pas mal de sources d’irritation concernant cette talentueuse équipe qui aura l’occasion d’écrire l’histoire si jamais elle obtient un troisième Super Bowl de suite, ce qui n’est jamais arrivé.
Mais en premier, ils devront battre des Bills qui vont débarquer avec le proverbial couteau entre les dents. Ça promet.
De l’autre bord, dans la Conférence nationale, il y aura un intrus.
Qui, dans cette salle, avait prédit une place en finale de conférence pour les Commanders de Washington ? Pas besoin de tenter une réponse, on la connaît déjà : personne.
Les Commanders sont entrés en séries avec l’avant-dernière place disponible dans cette conférence. Ce scénario complètement farfelu n’est certes pas le scénario le plus farfelu ces jours-ci dans la capitale américaine, mais bon, les Commanders en sont là, et ils iront faire face aux Eagles à Philadelphie dimanche à 15 h.
La dernière victoire de la formation de Washington remonte à Mark Rypien et aux Redskins de 1992, un triomphe tellement lointain qu’il est survenu avant la dernière Coupe du Canadien, et accessoirement, à peu près au même moment où Kathleen chantait Ça va bien.
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Les surprenants Commanders de Washington affronteront les Eagles à Philadelphie dimanche pour une place au Super Bowl.
Ce qui est impressionnant, surtout, c’est que les Commanders ont eu à faire tout ça sur la route, y compris cette surprenante raclée de 45-31 face aux Lions en plein Detroit le week-end dernier. On ne s’attendait pas à celle-là, n’est-ce pas ?
Dans l’histoire du Super Bowl, seulement quatre équipes ont réussi à gagner trois matchs des séries sur la route avant d’atteindre le gros match, dont les Packers de Green Bay, les derniers à avoir réussi le coup en 2010.
Au fait, la dernière fois que le club de Washington a gagné le célèbre trophée, c’était contre les Bills de Buffalo.
Dans la boîte à courriels cette semaine, il y a Serge De Blois qui se désole de ces Ravens « qui se sont battus eux-mêmes », tout en nous rappelant que le vrai Super Bowl sera le Chiefs-Bills de dimanche à 18 h 30. « J’aurai probablement mangé toutes mes ailes de poulet… la vie est dure parfois », tient-il à préciser, avec raison.
On retient aussi ce courriel d’une maison de paris sportifs, que nous ne nommerons pas, mais qui nous propose des cotes intéressantes au sujet de Taylor Swift et de l’identité de la célébrité qui sera assisse à ses côtés lors du match de dimanche. Dans le top 5 des candidates potentielles : Zendaya, Emma Roberts, Gigi Hadid, Katy Perry et Blake Lively. Aucune trace de Gildor Roy dans cette liste, malheureusement.
Alors nous y voici. Le moment de vérité, l’œil du tigre, tout ça et même plus, avec ce 59e Super Bowl qui pointe à l’horizon, et qui aura lieu le dimanche 9 février.
Ce sera, on le rappelle, un match sans lendemain.